Le mot « queer », qui
était une simple insulte pour les gays et les lesbiennes
anglo-saxons, a été repris positivement par certains d’entre eux
pour exprimer qu’ils tiendraient compte dorénavant, dans leurs
analyses, leurs comportements et leurs implications, des sexes, des
genres, des couleurs, des classes et des conditions
socio-économiques compris comme « constructions sociales ». Ce mot
queer concernait tout ce qui était « bizarre » ou hors
normes. Il résume à lui seul aujourd’hui les nouvelles visibilités
gay, lesbiennes , bisexuelles, transgenres et « de couleurs »
(Fierté LGBT) ; mais aussi les multiples discriminations et/ou
préoccupations de groupes de plus en plus divers (bears, BBB
– Blacks-Blancs-Beurs –, féministes, S/M – sadomasochistes,
handicapés, professionnels et confessionnels etc.). Ces nouveaux
comportements nourrissent un nouveau langage (ce qui peut se dire
aujourd’hui et ce qui était tu ; ce qui pouvait se dire d’une
certaine manière et aujourd’hui d’une autre : connotation, ironie,
cynisme et néologismes). Les féministes ont beaucoup investi le
champ du langage en jouant sur les mots qui ressemblaient au
masculin (la langue anglaise permet de féminiser History en
Herstory etc.), en les féminisant (professeure, auteure) ou
encore en créant de nouveaux mots appropriés à des nouveaux
comportements (y compris les anciens, visibilisés)[1].
Ces nouvelles visibilités sont accompagnées de nouvelles
dici/lisi/bilités et bien sûr de nouvelles résistances homophobes.
C’est cette largeur retrouvée du champ d’application du mot queer
qui lui a permis de se moderniser (d’être « queerisé » !)
avec un succès qui ne se dément pas[2]
si bien que le mot queer désigne aussi bien des attitudes
populaires (et même des produits comme la pilule magique: « vous
êtes hétérosexuel ? Nous avons des solutions » ou « comment faire
devenir homosexuel votre enfant ? » etc.), que des approches
savantes englobant les anciennes gay and lesbian studies
(anciennes pour le Nouveau monde – voir la bibliographie).
L’Inter-Lesbian&GayPride, qui regroupe les gays et lesbiennes de
France a même décidé dans son assemblée de septembre 2002 que
dorénavant leur appellation devenait obsolète et comprendrait
désormais le mot « trans » regroupant transgenres et transsexuels
(LGBT). C’est une révolution dans un pays où les défilés des Lesbian
and Gay Pride ont constamment eu besoin de se justifier de la
présence en leur sein de créatures hybrides et extraverties.
Le poids des mots et le choc des images
: on l’a vu, le queer est directement lié à l’histoire des
homosexualités. Pas de queer sans cette notion. Du coup, les
hétérosexualités se retrouvent pour un moment à la périphérie de la
pensée queer. Elles feront ensuite partie de ses sujets[3].
Il s’agit du développement d’un point de vue minoritaire au
détriment des anciens points de vue majoritaires. Et même d’un point
de vue encore plus minoritaire avant-gardiste, celle des lesbiennes.
Alors qu’on peut percevoir un continuum du queer masculin
dans les veines anarchistes, le queer lesbien, même s’il
existe dans ces veines, ne prend son autonomie « féminine » que dans
l’affrontement avec les féministes séparatistes envers les hommes y
compris les hommes homosexuels. La place des folles et des
transgenres est ici une place charnière.
On peut voir l’histoire des homosexualités comme une histoire de
mots et d’images. Pendant les années féministes (comme on dit les
années communistes) qui viennent à peine de se terminer, le
« politiquement correct » a fait des ravages en instituant une
langue de bois basée sur des notions naturelles et binaires de sexe
(homme=masculin/femme = féminin etc.). Une femme surtout lesbienne
devait rester féminine (pour contrecarrer l’image de la camionneuse)
et un homme surtout homosexuel (pour contrecarrer l’image de la
folle) devait rester masculin. Il n’était pas question de jouer avec
les rôles. Seule l’orientation sexuelle était prise en compte.
Une histoire du queer défait de l’emprise du genre au sens
traditionnel du mot (la condition de la femme hétérosexuelle dans le
travail en occident et le tiers monde) peut enfin s’exquisser.
L’INTERNATIONALE
SITUATIONNISTE : UN VENT DE FOLIE
Aux lendemains de la guerre
d’Algérie et à la fin des années 50 de la reconstruction économique,
un seul mouvement politique tranchait sur le conformisme ambiant et
répondait aux nouvelles exigences qui dépassaient de loin celles de
la seule classe ouvrière : le situationnisme
[4].
Issu de l’internationale lettriste[5]
et fondé entre autres par le Français Guy Debord
[6]
et le Belge Raoul Vaneighem (Traité de savoir-vivre à l’usage des
jeunes générations, 1967 ; le Livre des plaisirs, 1979),
il alliait les écrits du jeune Marx (le fétichisme de la
marchandise) et détournait et sexualisait tous les conflits en les
transformant en symptômes du malaise de la civilisation sous des
formes inconnues jusqu’alors (détournement de bandes dessinées et de
films) et en se préoccupant du quotidien et de l’urbanisme. Il
prédisait la fin de l’histoire. L’Internationale situationniste
(IS), partie en 1957 à l’assaut de l’art pour se fondre en 1972 dans
la subversion révolutionnaire, constitue vraisemblablement l’une des
expériences les plus riches et les plus complètes dans le domaine de
l’esthétique liée au contre-pouvoir. Inspirée des pensées hégélienne
et marxiste, la dialectique situationniste conjugue critique et
pratique de l’art dans un moment de l’histoire pendant lequel l’IS
s’impose comme la pensée de l’effondrement d’un monde.
Les situationnistes refusaient
toute idéologie, davantage encore les organisations qui en découlent
(appareils, partis et syndicats) et le pouvoir qui s’y attache. Le
situationnisme (1957-1972) était inconsciemment le volet politique
du camp : une représentation des plaisirs impossibles et le
détournement des seuls plaisirs légitimes. À ce courant activiste,
s’ajoutait le savant structuralisme de Roland Barthes,
Mythologies (1957), de son Système de la mode (1967),
Roland Barthes selon lequel « l’homme structural
prend le réel, le décompose puis le recompose [...]. Entre ces
deux temps de l’activité structuraliste, il se produit du nouveau,
et ce nouveau n’est rien d’autre que l’intelligibilité générale ».
En postulant que tout phénomène humain fonctionne comme un langage,
le structuralisme s’engage à en dégager les articulations et les
règles de fonctionnement. Découper, classer, agencer, nommer, c’est
donner du sens, c’est même, dit Barthes « entreprendre
un art poétique ». C’était aussi Michel Foucault dont les écrits
justifièrent une tendance au placard (le système pousse à l’aveu :
le coming out serait jouer le jeu) et à l’historicisme
(l’homosexuel n’aurait été créé qu’au milieu du
xixe s…[7]).
Mais nous en retiendrons surtout pour ce qui nous préoccupe une
nouvelle approche systématique du pouvoir auquel personne n’échappe
et surtout pas les militants habitués à diaboliser « l’autre » (le
facho, le réac, l’hétéro etc.). N’oublions pas non plus les travaux
de l’anthropologue américain Erwin Goffman[8]
qui légitimaient le quotidien comme terrain privilégié et ceux des
français Deleuze et Guattari dans le domaine de l’anti-psychiatrie.
Il faut saluer ici les éditions de Minuit qui les ont publiés.
Ces leçons et ces expériences ,
dans une grande mêlée de militantisme et de théorie,
s’auto-fécondèrent et donnèrent une grande richesse de publications
iconoclastes dans la première moitié des seventies. En 1973,
l’éditeur des situationnistes , Champ Libre, sortait le Rapport
contre la Normalité rédigé par le Front Homosexuel d’Action
évolutionnaire (FHAR). En mars de la même année, la revue
Recherches publiait la très provocante
Grande Encyclopédie des homosexualités. Trois milliards de pervers[9]
Il s’agissait de provoquer le
bourgeois en lui montrant les témoignages d’une homosexualité noire
et révolutionnaire (d’où l’importance des textes impliquant des
immigrés maghrébins : entrechoquement de deux populations méprisées)
mais aussi de réfléchir sur le désir (voir le chapitre
« les
Culs énergumènes ») ; puis en mai 1976, un très bel « Album
systématique de l’enfance », Coïre, consacré à la
pédophilie (alors synonyme d’amour réciproque concernant enfants et
adultes).
De 1972 à 1975, le groupe 5 du
FHAR ne s’y était pas
trompé qui publia, sous la direction d’Alain Fleig, une revue
inspirée du situationnisme et intitulée
le Fléau Social[10].
L’une des couvertures clamait :
« Détruire ce qui nous détruit ».
Il n’y avait plus qu’un pas que
d’aucuns ont franchi : découvrir que ce qui nous détruisait, ce
n’était pas seulement le capitalisme (on dirait aujourd’hui le
mondialisme) mais l’hétérosexualité (le système politique
hétérosexuel). La critique du système hétérosexuel était une avancée
importante pendant que le gros du féminisme en restait à la critique
du patriarcat, marginalisant Monique Wittig[11]
(1925-2003).
Nous pourrions aller plus avant dans l’histoire : en effet, les
homosexuels, empêchés de s’exprimer, cultivaient entre eux ce qu’on
a pu appeler ensuite un underground qui prit le devant de la
scène dans les années warholiennes (Andy Warhol, Paul Morrissey)
mais qu’on pourrait retrouver, naissant et viriloïde dès les années
50 dans les dessins de Tom of Finland (Finlande puis USA) ou les
films de Kenneth Anger (Fireworks, 1947, 14
min., réalisé à 17
ans) et de Jean Genet en France dont l’influence se fera sentir
autant chez R.-W. Fassbinder et David Lynch que chez James Bidgood (Pink
Narcissus, attribué longtemps à Anger). Il ne faut pas oublier
non plus les images de l’Athletic Model Guild, qui, déjà connue pour
ses magazines et photographies, se lance dans la production
intensive de films culturistes en 16 mm à usage domestique dont
Bathroom Athletes et Foolish Hoods sont deux sympathiques
exemples. Aujourd’hui d’un kitsch consommé, ces images
d’allure généraliste s’adressaient directement aux gays. On pourrait
aussi remonter plus avant encore, mais les brumes de l’histoire ne
sont pas encore dissipées. Dans ces brumes scintillent malgré tout
les étoiles que sont Lot in Sodom (1930, 25 min.) de James
Watson et Melville Webber, un des films expérimentaux sonores les
plus aboutis de son époque, qui conte l’histoire de la cité maudite.
Quant à ceux et celles qui n’avaient pas accès à cette mouvance, ou
qui vivaient antérieurement, il leur fallait décrypter les
personnages qui pouvaient endosser volontairement ou non leurs
besoins d’identifications : les icônes gaies et lesbiennes.
UN MONDE CRYPTO
GAY : LE CAMP ET LE KITSCH
LE CAMP
Le camp est un jeu de rôles inversés, un jeu de
travestissement (porter l’habit de l’autre). Ce peut être un ouvrier
habillé en bourgeois, un noir habillé de blanc ou un noir costumé à
l’occidentale, un homme en femme ou une femme en homme mais aussi
bien une femme qui joue directement le rôle d’un travesti ou une
femme jouant le rôle d’un homme travesti en femme (double
travestissement). On le rencontre tout naturellement au théâtre
(Jean Genet dans
les
Nègres) et au cinéma. Mais aussi chez
les personnes LGBT dont c’est une forme d’humour acceptable entre
elles, mais qui pourraient choquer des personnes non « inverties ».
Autrement dit, comme toute forme d’humour, il repose sur des
entendus réservés aux seuls initiés.
Camp
et vamp
Il peut être
accompagné de « vamp », c’est-à-dire d’un caractère vampirique. Le
thème du vampire est souvent associé à celui de la lesbienne quand
le personnage est statutairement un vampire (Catherine Deneuve dans
le Prédateur). Elle se repaît du sang des jeunes filles pour
gagner l’éternelle jeunesse. Le mythe a une source lointaine
(Elisabeth Bathory). La vamp est une séductrice et se rapproche du
mythe grec de la Méduse qui pétrifie ceux et celles qui la
regardent. C’est la vengeance individuelle de la dominée. Le
vampirisme peut aussi constituer une identité masculine et gay
(origine historique : Dracula) pour les mêmes raisons, mais prend
souvent une allure parodique comme dans les films de Roger Corman.
Autre séducteur, autre vamp, autre gay : Rudolph Valentino. Les
films muets en noir et blanc favorisaient alors l’abus du maquillage
et les attitudes théâtrales.
Le camp
classique
Aussi, à côté de l’underground (refusé, censuré, glorifié), le
camp a-t-il étanché la soif d’identification des gays, des
lesbiennes et des transgenres. Devinrent des icônes gays :
burlesque, Mae West ; enchanteresse, Judy Garland (Over the
rainbow) ; séductrices, Marlen Dietrich puis Marilyn Monroe ;
dramatique, Bette Davis. Encore celles-ci étaient elles explicites.
Leur caractère camp ressortait des personnages qu’elles
jouaient et qui les faisait échapper à leur sexe pour une apothéose
du genre : trop femmes pour être crédibles, elles enchantaient les
femmes et les folles désireuses de se libérer de leurs respectives
assignations ; trop virils (Jean-Paul
Belmondo, Alain Delon, Marlon Brando) ou
au contraire trop sensibles (James Dean) pour être vraiment des
hommes, des acteurs enchantaient les gays et les butchs pour les
mêmes raisons. Le camp est la première séparation visuelle
entre le sexe et le genre. Il est peuplé de couples improbables
« hétérosexuels » qui feront la joie des couples qui ne se
définissent pas comme « straights ». Ce fut aussi le rôle plus clair
des travestis (Tony Curtis dans Certains l’aiment chaud) ou
des trans (Terence Stamp dans Priscilla).
Les gays et les lesbiennes, ne pouvant ni s’exprimer ni être
exprimées (1930 à 1966, le code du sénateur Hays), se sont retournés
contre eux-mêmes en se constituant un humour auto-parodique. Ils ne
se sont pas non plus gênés pour traiter de la même façon les normes
qui leur semblaient étrangères (le monde inversé) et donner une
vision de minorité, ce qui est la base de la vision queer du
monde.
Mais le camp restait bourgeois (sauf les adaptations des
pièces de Tennessee
Williams qui se déroulent dans le sud
états-unien), avec un côté « dames du monde ».
Le camp moderne
utilise le travesti et le transgenre affirmé. Il ne s’agit plus de
décryptage mais de fiertés rageuses. La femme n’est plus le
porte-parole des folles qui prennent dorénavant leur avenir en
main : c’est la naissance de Divine, héroïne des films de John
Waters, et du camp trash. Elle vit dans une roulotte et goûte
les crottes de son chien. Trash car il faut vomir sur ce monde
(celui de la consommation tous azimuts pour Waters) avec des folles
qui n’arrivent plus à faire dame de ce monde et qui voudraient être
celles d’un autre, travesties avec les oripeaux de l’ancien. On
retrouve ce kitsch sans le goût de la provocation dans la
belle comédie populaire du même réalisateur : un gros plan sur la
jeune fille bien propre sur elle en train de vomir sur un manège ou
en train de se péter un bouton sur le visage (Hairspray,
1988).
L’ancien monde, ce sont les vieilles organisations
homo/hétérosexuelles (comme le WASP – white anglo-saxon
protestant) devenues kitsch. Il n’est plus refusé
(« Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi », dit un slogan
de Mai 68) Il est assimilé comme décor car il n’existe plus : ce
sont les pulps (la vision d’aujourd’hui de la littérature populaire
industrielle américaine de la première moitié du siècle précédent :
cf.
The
Vintage Library et les romans-photos
contemporains dans les pays latins.
Le kitsch
représente ces vieilles choses qui nous émeuvent encore malgré
l’inactualité de leur sens premier car elles font partie d’un passé
lointain enfoui dans notre enfance ou celui que nos parents nous ont
transmis. Elles provoquent encore des bouffées de nostalgie qu’on
repousse par le rire (les dessins érotiques et les caricatures
d’avant 1950 ne provoquent plus qu’une curiosité intellectuelle). Le kitsch est devenu aussi un décor. Il alimente le camp
dans les films allemands dits « baroques » de Schroeter et italiens
de Visconti (Louis II de Bavière). D’inspiration religieuse, il est
l’essence des tableaux de Pierre et Gilles (France, photos lissées
dans cadre mystiques) et des vitraux de Gilbert et George
[12])
LE
QUEER
Le queer est l’expression moderne d’un mouvement culturel
global (l’alter-mondialisation) qui, dans sa partie la plus récente,
est né de l’affirmation du constructionnisme (prééminence du
« culturel ») contre l’essentialisme (prééminence du «naturel). Le
queer dénonce comme relevant de l’imposture ce qui a été présenté
jusqu’ici comme naturel à des fins d’ordre public des constructions
sociales telles que l’homme, la femme, les enfants, le désir
d’enfant, la maternité, l’hétérosexualité, la race, le sexe, la
pauvreté, la richesse etc. Mais ces débats n’ont de sens que là où
ils sont produits à savoir les sphères sociopolitiques
contemporaines. Ces débats ont été menés avec un panache autre mais
avec des résultats moins probants dans les sphères poétiques et
artistiques dès le début du siècle précédent avec en particulier
Oscar Wilde et le mouvement dandy, apôtre de l’artificiel ; en
philosophie avec Descartes : « J'ai grand'peur que cette nature ne
soit elle-même qu'une première coutume, comme la coutume est une
seconde nature. »
Les rapports sexuels entre hommes ont fait partie
en France des actes contre nature jusqu’en 1978. L’ensemble
de ces actes ainsi désignés devenaient ainsi que tous les autres
comportements y afférents une contre-culture… Si bien que
cette contre-culture fut toujours au centre de ces
débats opposant culture et nature. On les retrouve autour de
différentes dénominations opposées comme celles d’homosexualité et
d’hétérosexualité dans la revue du Dr Lacassagne, les Archives
d’anthropologie criminelle, sous la plume de Marc André
Raffalovich[13]
ou comme celles des conistes et des culistes[14].
dans les textes érotiques du
xviiie.
Le mot
gay[15]
avait l’avantage de désigner d’une manière non péjorative une
identité de solidarité (communautaire) pour échapper à l’insulte
queer. Et surtout, il permettait d’utiliser une autodésignation
et non plus un emprunt positivé. Maintenant que nous progressons
vers une acceptation de certains gays et certaines lesbiennes et
d’un style de vie propret, le mot queer prend sa revanche et
veut revitaliser et libérer un mode de vie revendiqué mais devenu
contraignant dans son acceptation, nous dirons « blanche ». Gay
n’est pas passé dans le langage oral en français où on emploie
toujours couramment homo ou pédé (à l’inverse « homos » à l’écrit
est ridicule : c’est une grande maladresse de la part de l’éditeur
ou du traducteur de Leo Bersani d’avoir intitulé son essai « Homos »[16]).
Gay n’est employé couramment qu’à l’écrit. Ce mot queer
(imprononçable en français) passera difficilement la barrière de la
langue. En revanche, nous aimerions utiliser les mots genre et
transgenre en dehors des définitions jusqu’ici retenues.
Si, en effet, les lesbiennes ne sont pas des femmes (je viens de
réécrire « hommes » en pensant à l’autre versant inexprimé : « les
pédés ne sont pas des hommes ») d’après Wittig et qu’elles ne se
cantonnent plus aux préoccupations principales des femmes
hétérosexuelles (liberté de l’avortement, des moyens
anticontraceptifs, égalité de salaires) dans leurs rapports avec les
hommes, elles ont en commun avec elles néanmoins le désir de
disposer librement de leurs corps. C’est cette libre disposition du
corps qui est revendiquée par les lesbiennes et les homosexuels mais
qui n’avait pas été comprise ainsi par les hétérosexuel/le/s. Pour
ces derniers « libre disposition du corps » signifiait uniquement
libérer le corps des soucis de la maternité obligatoire (le corps
des mères). Le corps lesbien revendiqué, considéré comme stérile, ne
pouvait compter que sur lui-même. Il n’avait aucun compte à rendre à
l’homme mais il continue à en rendre aux femmes. Le mouvement
homosexuel masculin ne s’est jamais vraiment posé la question.
L’idée qu’un pédé ne puisse pas être considéré comme un homme ne l’a
jamais effleuré. Et cette idée a des conséquences à la fois
identiques à celles des lesbiennes (la dérivation des genres du sexe
de l’homme pour les folles ou androgynes ou tapioles et celle du
sexe de la femme pour les différentes butchs ; l’homogénéisation des
relations non conforme à l’hétérogénéité des couples de sexes et de
genre : une folle qui préfère une folle (folle-lesbienne, lesbien),
une butch qui préfère les butchs (pédés).
Jusqu’ici
réservée aux féministes institutionnelles ou militantes (la
condition des femmes au travail), la question du genre (Gender
Studies) déborde la problématique de la condition des femmes au
travail. Elle refonde ces notions biologiques de femmes et
sociologiques de travail dans un cadre plus général et moins
entendu. La question du genre est maintenant soulevée par les hommes
et plus particulièrement les hommes homosexuels et plus
particulièrement encore les hommes homosexuels efféminés en rupture
d’essentialisation. Dans cette querelle entre les Anciens (les
essentialistes ont tendance à se contenter de dresser un catalogue
des discriminations : gays + lesbiennes + bisexuels + transgenres +
transexuels) et les Modernes (les constructionnistes englobent dans
le mot queer ou genre toutes ces catégories), ces
derniers ont forcément la main car le premier est présenté comme un
destin (« on est gay, et alors ?»), le second comme un projet (« on
n’est pas gay, on le devient »), une politique. Les gays rejoignent
les lesbiennes butch qui ne veulent plus être cantonnées aux
définitions des féministes essentialistes à savoir des définitions
hétérosexuelles (et même lesbiennes !) des femmes tendres,
caressantes, aimantes etc. Elles brandissent leurs godemichés sans
honte et affirment même qu’il s’agit de nouvelles technologies qui
n’ont rien avoir avec le sexe de l’homme mais un moyen de jouissance
et de jeu érotique qui permet justement d’échapper à l’ubiquité
masculine. Contre les féministes traditionnelles, hostiles à la
« domination masculine » et sa reproduction même au sein des couples
de femmes, elles assument leurs rapports sado-masochistes et
s’intéressent positivement à la pornographie. .
Mais surtout le queer, après avoir été un
mouvement de protestation radical américain fortement inspiré des
performances d’Act up dans la première moitié des années 1990 (Queer
Nation), est devenu un outil d’analyse généraliste donnant la part
belle aux points de vues des minorités et en particulier des LGBT
dans une optique non essentialiste. Née en France, sous l’impulsion
de philosophes français tels que Michel Foucault et Jacques Derrida,
s’épanouissant aux USA plus ouvertes à des minorités actives depuis
beaucoup plus longtemps, la théorie queer deviendra
incontournable ces prochaines années en Europe où les universités
résistent des quatre pieds à ces nouvelles Lumières qui pourraient
les dévêtir de la ringardise où elles se sont enfermées. Il faudra
bien qu’à l’instar de la société civile, elles trouvent un
baricentre et non plus une seule optique « straight » disons, pour
utiliser un mot du vocabulaire queer très en vogue dans la
communauté LGBT, hétérocentrée, sinon hétérosexiste[17].
Ansi le queer nait à partir du moment où les LGBT vont interroger
ceux/celles qui les désignaient ainsi[18],
porté par une génération LGBT qui comporte de nombreux hétérogays
(hétérosexuel de culture gay).
UN QUEER MAL
COMPRIS
Le queer ne peut aboutir au refus des identités mais au contraire à
leur multiplication dans la moindre assignation possible : une
réelle liberté de choix. Il ne peut sans se renier opposer un tout
culturel à un tout culturel sans réveiller les vieux démons
binaristes de l’inné et de l’acquis. L’inné, dans les discours
scientifiques sur les invertis-nés du
xixe siècle est une donnée
naturelle (on admet que la nature puisse se tromper : l’inverti-né
est donc souvent une femme dans un corps d’homme ou vice versa).
L’acquis est le résultat d’une expérience humaine à partir de
l’inné. L’inné normal est un hétérosexuel. L’homosexuel par
acquisition est un pervers, c’est-à-dire au sens littéral du mot :
il n’évolue pas dans le sens naturel des choses ou pour être moins
divin et plus humain et plus moderne : son genre ne correspond plus
à son sexe. Sa volonté s’est pliée aux plaisirs malsains pour
lesquels il n’était pas destiné. On proposait pour le premier une
guérison relevant de la psychiatrie et pour le second une menace de
sanction pénale s’il passait à l’acte (prosélytisme).
Les abus de la théorie queer est peut-être que dans son enthousiasme
juvénile, elle fasse un peu trop fi du passé ou tout simplement y
chercherait un eden où elle transposerait ses souhaits d’une vie
meilleure. C’est ainsi qu’on fait dire à Foucault que l’homosexuel
est né au
xixe siècle. Le mot, certainement mais la chose non.
On pourrait certainement reculer plus loin dans l’histoire et
trouver des traces de cette contre-culture, l’important étant ici de
réaffirmer que si la loi réprimait des actes, elle n’avait pas
vocation à réprimer des individus ; que si la personne encline à
avoir des rapports sexuels avec des personnes de son propre sexe a
suscité l’intérêt la plupart de temps répressif pendant tout le
xixe
siècle et les trois quarts du
xxe siècle, cette personne n’est pas
née à ce moment là : ce n’est pas une construction scientifique de
ce temps – même si elle en construit une image parfois monstrueuse
non sans conséquence sur les personnes directement concernées. Et
surtout retenir que ces personnes non seulement étaient attachés à
ce qu’ils considéraient comme un goût mais aussi qu’ils ont toujours
formé des communautés autour de ce goût. C’est ce qui ressort non
seulement des pamphlets du
xviiie où le mot pédérastie désigne
clairement parfois un acte mais aussi et souvent un groupe. C’est ce
qui ressort aussi des témoignages des personnes interpellées par la
police de l’époque.
L’identité gay semble pérenne et épouse l’histoire, en particulier
celle des rapports sociaux de sexe. Il n’y a aucun anachronisme à
utiliser cet adjectif pour des périodes où le mot était inconnu.
C’est comme si on devait utiliser l’ancien français moiller
(jusqu’au
xive siècle) pour les femmes du
Haut Moyen-âge.
Cette notion queer de genre est donc essentielle à une compréhension du
monde plus fine et plus complète. Elle n’est plus moraliste et
réductrice à une bonne image (qu’elle soit militante ou
conservatrice). Elle ouvre un très large éventail de comportements
et offre à toutes les disciplines un champ de recherches illimité.
Elle est déjà un enjeu de pouvoir entre les militants, les
universitaires, les chercheurs indépendants. Elle répond au
métissage de plus en plus important de nos sociétés. Elle a été le
pivot des débats concernant le Centre de documentation de Paris.
Quelles archives communes en effet concernant les gays et les
lesbiennes si on ne pose pas la question du genre dans les
homosexualités ?
Cette
problématique a été celle de notre festival (1999-2006) et reste
celle de nos publications intitulés
QuestionDeGenre depuis presque
vingt ans. Elle permet de donner des outils pour des représentations
les plus variées possibles des « sexualités » et partant de toutes
les organisations sociales.
Patrick Cardon |
Diplômé IEP |
Doctorat de Lettres |
Université de Provence |
NOTES
[1]
Cf dans le registre du roman policier,
Mireille Cardot et Nicole-Lise Bernheim, Mersonne ne m’aime,
Joëlle Losfeld, 1982, rééd. 2003.
[2]
Le site
www.channelqueer.com
et
http://www.qrd.org/qrd/
(queer ressources directory) répertorie toute une série
d’adresses internet comprenant toutes les nouvelles catégories
de gays et de lesbiennes. Le site
http://www.queertheory.com
répertorie les sources d’études queer dans le monde. En
France, Queer Factory (queerfactory.free.fr) fut un lieu
d’échanges fructueux entre intellectuels précaires (il semble
hors-service), on peut citer indiquer les pages
http://www.gayways.to/queer.htm ; de Belgique :
http://www.next-party.be/queer.html
; d’Angleterre puis aux USA, la série TV Queer as folk a
popularisé le mot dans le monde entier.
[3]
Éric Fassin,
l’Inversion
de la question homosexuelle,
Amsterdam, 2005 ;
Jonathan Ned Katz,
l’Invention
de l’hétérosexualité,
Epel, 2002.
[5]
Cf. Pomerand, Gabriel, Considérations objectives sur la
pédérastie. Conférence interdite par le préfet de police en 1949,
Lille : QuestionDeGenre /GKC, 1995.
[6]
1931-1994, la Société du spectacle,
Paris :
Buchet-Chastel, 1969.
[7]
Il est vrai que les mots qui recouvraient l’habitus gay
ont beaucoup varié dans l’histoire au point qu’un Vocabulaire de
l’homosexualité masculine a été édité aux éd. Payot par Claude
Courouve mais nous attendons un Vocabulaire de l’hétérosexualité
où on trouvera que le mot femme ne s’est imposée que bien après
le
xe siècle en France. Et que donc TOUS les mots ont
une histoire et recouvrent des situations et des définitions
historiques différentes.
[8]
La Mise en scène de la vie quotidienne, Paris : Minuit,
1973. Cf. aussi l’Arrangement des sexes, La
Dispute/Cahiers du Cedref, 2002 [1977].
[10]
Les textes théoriques de cette revue furent rassemblés par son
pratiquement seul auteur en 1977, Alain Fleig (aujourd’hui
photographe et collectionneur), pour les éditions Stock sous le
titre de Lutte de con et piège à classe.
[11]
Auteure, entre autres, de l’Opoponax (1964), pour lequel
elle avait reçu le prix Médicis, du Corps Lesbien (1973)
et de la Pensée Straight (1992 en anglais et 2001 en
français, Paris : Balland, 2001).
[12]
« [...] les œuvres géniales et provocatrices de Gilbert et
Georges [...] subliment les ultimes déchets humains et les
transforment en réalisations d’envergure. Il ne faut pas
s’arrêter à l’utilisation récurrente du sperme, du sang, de la
pisse ou bien encore des étrons triomphants, ni à la
proclamation de leur homosexualité... mais découvrir la rigueur
de leur méthode de travail. »
(http://jean.goemans.free.fr/coup/gilbert.html).
[14]
Cf. Anonyme, les Enfans de Sodome à l’Assemblée
Nationale, Lille : Question de Genre/GKC, 2002.
[15]
Courant aux USA dans les années 1950 et désignant un homosexuel
identitaire, ce terme n’entra en France que 20 ans plus tard.
C’est surtout internet qui le popularisera dans le monde entier,
donnant ainsi l’espérance d’un monde meilleur à des personnes
dans les coins les plus reculés de la planète.
[16]
Bersani, Leo, Homos : repenser l’identité, Paris : Odile
Jacob, 1998. On ne repense pas l’identité avec un terme pareil,
en français tout du moins ! On retrouve cette abréviation dans
le sous-titre encore plus aberrant du livre indigné de François
Cusset, Queer critics : La
littérature française déshabillée par ses homo-lecteurs,
PUF, 2002.
[17]
Dès 1973, le Rapport contre la normalité du FHAR
utilisait le mot voisin de hétéroflic.
[18]
Cf le titre de l’essai de Jean-Louis Bory et Guy Hocquenghem,
Comment nous appelez-vous déjà ?
Paris :
Calmann-Lévy, 1977.
Bibliographie
Actes de
colloques, 2006, Kitsch et avant-garde : stratégies culturelles
et jugement esthétique. Exemple de travail formel récent savant
avec peu de préoccupation de genre. On retiendra surtout la
contribution portant en partie sur Pierre et Gilles de Nanta Novello
Paglianti, « Esthétique des corps et représentations kitsch » ainsi
que
Pierluigi
Basso-Fossali,
« Les
seuils du kitsch : de la « logique du bazar » à la ‘rédemption
(apparente) des guillemets’. Essai de sémiologie critique sur la
gestion des valorisations », qui aborde le kitsch et le camp.
Disponible sur : <http://revues.unilim.fr/nas/document.
php?id=1430>
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